Changement de jurisprudence nécessaire pour un procès équitable : Péremption d’instance

par | Juin 17, 2024 | Droit Civil | 0 commentaires

Péremption d’instance : l’exigence du procès équitable impose un changement de jurisprudence

Appel d’un jugement et péremption de l’instance : un cas pratique

Un cas particulier attire notre attention : un citoyen a fait appel d’un jugement dans une instance où le conseiller de la mise en état a constaté une péremption.

Selon l’article 386 du Code de procédure civile, l’instance est considérée comme périmée lorsque aucune des parties n’a effectué de diligence pendant un certain temps. L’article 2 du même code stipule que les parties ont la responsabilité de mener l’instance en respectant les charges qui leur sont attribuées. Elles doivent ainsi réaliser les actes de procédure dans les formes et délais requis.

L’article 908 spécifie que l’appelant a un délai de trois mois après la déclaration d’appel pour remettre ses conclusions au greffe. En ce qui concerne l’intimé, l’article 909 lui accorde un délai de trois mois après la notification des conclusions de l’appelant, prévues à l’article 908, pour remettre ses conclusions au greffe et, le cas échéant, faire appel incident ou appel provoqué.

L’article 909-4 exige des parties qu’elles présentent, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond. Cependant, selon l’alinéa 2 de l’article 802, les prétentions destinées à répondre aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions survenues après les premières conclusions, suite à l’intervention d’un tiers ou à la survenance ou à la révélation d’un fait, demeurent recevables.

Le rôle du conseiller de la mise en état

L’article 912 du Code de procédure civile précise que le conseiller de la mise en état examine l’affaire dans les quinze jours suivant l’expiration des délais pour conclure et communiquer les pièces. Il fixe la date de la clôture et celle des plaidoiries. Si l’affaire nécessite de nouveaux échanges de conclusions, sans préjudice de l’article 910-4, il en fixe le calendrier, après avoir recueilli l’avis des avocats.

Lire aussi :   Mode d'emploi : Déclaration d'appel électronique avec représentation obligatoire

Evolution de la jurisprudence

Auparavant, la Cour de cassation considérait, dans le cadre de la procédure d’appel avec représentation obligatoire, que la péremption de l’instance d’appel est encourue lorsque, après avoir conclu conformément aux articles 908 et 909 du Code de procédure civile, les parties n’ont pas pris d’initiative pour faire avancer l’instance ou obtenir du conseiller de la mise en état la fixation des débats de l’affaire, en application de l’article 912 du même code. De plus, la demande de la partie appelante adressée au président de la formation de jugement pour la fixation de l’affaire pour être plaidée, au motif qu’elle ne souhaite pas répliquer aux dernières conclusions de l’intimé, interrompt le délai de péremption de l’instance mais ne le suspend pas.

Cependant, cette jurisprudence mérite d’être réévaluée.

Nouvelle perspective

En effet, après l’arrêt du 16 décembre 2016, le décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 a introduit dans le Code de procédure civile un nouvel article, le 910-4, qui requiert des parties, sous peine d’irrecevabilité relevée d’office, de présenter dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond.

Lorsque les parties ont respecté toutes les charges qui leur sont imposées dans les délais impartis, notamment conformément à l’article 910-4 du Code de procédure civile, et qu’elles n’ont plus rien à ajouter pour soutenir leurs prétentions respectives, elles n’ont plus de diligence utile à effectuer pour faire avancer l’affaire. La direction de la procédure leur échappe alors au profit du conseiller de la mise en état.

Lire aussi :   Le protocole d'intervention de l'huissier en cas de conflit familial

Il ressort des auditions effectuées sur la base de l’article 1015-2 du Code de procédure civile et des documents transmis conformément à l’article L. 431-3-1 du Code de l’organisation judiciaire que la demande de fixation de l’affaire à une audience se révèle souvent inutile lorsque la cour d’appel saisie ne peut, en raison de rôles d’audience déjà complets, fixer l’affaire dans un délai inférieur à deux ans.

Il en découle que si le conseiller de la mise en état n’a pas été en mesure de fixer, avant l’expiration du délai de péremption de l’instance, la date de la clôture et celle des plaidoiries, il ne peut être exigé des parties de demander la fixation de la date des débats uniquement pour interrompre le cours de la péremption.

L’interprétation de ces textes à la lumière de l’article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme indique qu’une fois que les parties ont accompli toutes les charges procédurales qui leur incombent, la péremption ne court plus à leur encontre, sauf si le conseiller de la mise en état fixe un calendrier ou leur impose de réaliser une diligence particulière.

Si la cour d’appel a jugé que la péremption était acquise conformément à la jurisprudence précédente, le présent arrêt, qui opère un revirement de jurisprudence, immédiatement applicable car il assouplit les conditions d’accès au juge, conduit à l’annulation de l’arrêt attaqué.

Sources :
Cass. 2e civ., 7 mars 2024, n° 21-23230

alain-barru
Martin Plussin

Auteur

Martin, huissier et expert en procédures légales et passionné par le monde des huissiers, est le cerveau derrière les articles éclairants de notre blog. Avec son expérience et sa connaissance approfondie du domaine, il décompose les complexités juridiques pour les rendre accessibles à tous. Martin est constamment à l'affût des dernières actualités et tendances dans le secteur des huissiers, assurant que nos lecteurs reçoivent des informations à jour et fiables.

0 commentaires

Soumettre un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *