Contestation de titre de paiement de créancier public: délai et notification

par | Juil 3, 2024 | Droit Civil | 0 commentaires

Notification d’un titre de paiement d’un créancier public et délai de contestation

Concours à l’encontre d’un titre de paiement d’un créancier public et délai de contestation

Une société qui détient un abonnement à un service d’eau potable reçoit une facture estimative de la part d’une communauté d’agglomération. Lorsque cette société décide de résilier son abonnement, un solde de clôture de compte est émis. Plusieurs années après, la trésorerie municipale envoie à la société une opposition à tiers détenteur en exécution du titre de recettes.

La société a par la suite assigné la communauté d’agglomération devant un Tribunal de Grande Instance (TGI) pour demander l’annulation des titres émis et obtenir une exonération du paiement des sommes correspondantes. La société invoque notamment l’irrégularité de la notification des titres et leur illégalité formelle.

Le Conseil d’Etat et le délai de recours

Depuis une décision prise le 13 juillet 2016, le Conseil d’État a estimé que si l’obligation d’informer l’intéressé sur les voies et les délais de recours n’a pas été respectée, ou si aucune preuve ne démontre qu’une telle information a été fournie, les délais de recours fixés par le code de justice administrative ne peuvent pas être opposés à l’intéressé. Le destinataire de la décision ne peut toutefois exercer de recours juridictionnel au-delà d’un délai raisonnable, qui ne peut, sauf circonstances particulières invoquées par le requérant, excéder un an à compter de la date de notification de la décision ou de la date à laquelle il est établi qu’il en a eu connaissance.

Il a également jugé que cette obligation d’exercer un recours dans un délai raisonnable s’applique en matière de contestation des titres exécutoires émis par les collectivités locales.

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La question de l’application de cette règle devant les juridictions judiciaires

Le pourvoi soulève la question de savoir si la règle qui découle de la décision du 13 juillet 2016 doit être appliquée devant les juridictions judiciaires, notamment en matière de délai de recours contre un titre de recettes.

Pour répondre à cette question, il faut prendre en compte les exigences de clarté et de prévisibilité du droit. Une convergence jurisprudentielle entre les deux ordres de juridiction est recherchée lorsqu’il est statué sur des questions communes. Cependant, cette convergence peut ne pas être atteinte lorsque des principes et des règles juridiques différents sont applicables respectivement dans ces deux ordres. C’est le cas en l’espèce.

Les spécificités des règles du contentieux administratif

Il est important de noter que les motifs ayant justifié l’application de cette règle devant les juridictions administratives, qui permettent d’éviter des situations où une décision administrative pourrait être contestée indéfiniment en l’absence de notification régulière, sont spécifiques aux règles du contentieux administratif.

En effet, les juridictions judiciaires ne contrôlent pas la légalité par la voie du recours pour excès de pouvoir.

Concernant les contestations d’un titre exécutoire formées devant ces juridictions, généralement à l’occasion de l’action en recouvrement, elles se font nécessairement dans le délai de prescription de cette action, comme le délai de quatre ans pour les créances d’une collectivité territoriale.

De plus, les actions visant à obtenir une exonération d’une imposition et à obtenir le remboursement d’un trop-perçu fondées sur la non-conformité de la règle de droit utilisée à une règle supérieure sont prescrites par deux ans, conformément à l’article L. 190 du Livre des procédures fiscales.

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En outre, les mêmes actions, lorsqu’elles sont fondées sur une déclaration de non-conformité à la Constitution du texte servant de fondement à l’imposition, sont ouvertes dans les conditions fixées par la décision du Conseil constitutionnel.

Il faut également noter que le risque de contestation d’actes ou de décisions sans limite de durée ne se présente pas de la même manière devant les juridictions judiciaires, où les règles de la prescription extinctive suffisent en principe à répondre à l’exigence de sécurité juridique.

La règle issue de l’article 680 du Code de procédure civile

En second lieu, il faut souligner que la règle issue de l’article 680 du Code de procédure civile constitue un principe général qui s’applique devant les juridictions judiciaires, quelle que soit la nature de cette décision ou de cet acte et celle des voies et délais de recours.

Transposer la solution dégagée par le Conseil d’État pourrait conduire à étendre cette règle à tous les délais de recours, ce qui remettrait en cause l’application de ce principe général et pourrait porter atteinte à l’équilibre des droits des parties dans le procès civil.

Le maintien de la jurisprudence de la Cour de cassation

Le maintien de la jurisprudence de la Cour de cassation, justifié par les principes et règles applicables devant le juge civil, permet un équilibre approprié entre le droit du créancier public de recouvrer les sommes qui lui sont dues et le droit du débiteur d’accéder au juge.

Il ressort de ces éléments qu’en l’absence de notification régulière des voies et délais de recours, le débiteur n’est pas tenu de saisir le juge civil dans le délai défini par la décision du Conseil d’État du 13 juillet 2016.

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La cour d’appel qui constate que la preuve d’une notification régulière des titres n’est pas apportée, en déduit à juste titre que l’action introduite par la société est recevable.

Source :
– Cass., ass. plén., 8 mars 2024, n° 21-21230

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Martin Plussin

Auteur

Martin, huissier et expert en procédures légales et passionné par le monde des huissiers, est le cerveau derrière les articles éclairants de notre blog. Avec son expérience et sa connaissance approfondie du domaine, il décompose les complexités juridiques pour les rendre accessibles à tous. Martin est constamment à l'affût des dernières actualités et tendances dans le secteur des huissiers, assurant que nos lecteurs reçoivent des informations à jour et fiables.

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